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Durée : 21´
Le 24 juillet 2011, le psychiatre David Servan-Schreiber succombait, à l'âge de 50 ans, à la tumeur cérébrale cancéreuse qu'il tenait en respect depuis dix-neuf ans. C'est le temps qu'il lui aura fallu pour se réapproprier sa mort.
Quand, à 31 ans, il découvre sa maladie, il refuse de toute son énergie une mort dont il sent qu'elle lui est prématurément imposée par une manière de vivre destructrice. Condamné par les injonctions sociales et sans doute paternelles à la « réussite », le jeune homme prend conscience, au moment où son organisme se détraque, du mépris dans lequel il a jusque-là tenu les besoins de son corps nourri à la va vite par les aliments nocifs de l'industrie agro-alimentaire, et de la distance qu'il a créée avec ses émotions les plus intimes. Dans son dernier livre (On peut se dire au revoir plusieurs fois, R. Laffont, 2011), il avoue ainsi qu'il confondit longtemps amour et prise de pouvoir…
Se prenant comme terrain d'expérience, le médecin-malade, changeant radicalement son alimentation et tentant de renouer avec sa vérité émotionnelle, consacrera désormais tous ses efforts à faire entendre que les traitements mis au point par la science ne lutteront vraiment contre le cancer que lorsqu'ils seront accompagnés d'une réforme profonde de notre résidence sur la terre. Documents scientifiques et cas personnel à l'appui, il a ainsi confirmé auprès du grand public ce que chacun peut éprouver intuitivement : que les aliments produits industriellement et la pression constante à laquelle notre civilisation nous soumet ont une influence nocive sur notre santé.
Les preuves mobilisées à ce sujet dans Anticancer (R. Laffont, 2010) laissent alors songeur quant à la maladie dont notre monde en entier est atteint, même si les résistances de certains les préservent de toute pathologie. D. Servan Schreiber mentionne par exemple une expérience où une équipe de « chercheurs » américains greffa des cellules cancéreuses sur des rats pour montrer que ceux qui étaient de plus soumis à des chocs électriques constants surmontaient moins bien la maladie que ceux qu'on laissait tranquilles après l'opération !
En fait, l'expérience ne prouve pas principalement que le milieu dans lequel nous évoluons peut nous rendre malades, mais que nous sommes déjà bien malades pour avoir besoin de le démontrer ! Qu'on « doive » torturer un animal pour être sûrs que ça va mal finir, voilà le signe que nous nous tenons à distance de notre humanité profonde, quand bien même la vie de tous n'est pas encore en danger. Ainsi, les livres de D. Servan Schreiber révèlent-ils peut-être davantage que ce qu'ils énoncent : ce n'est pas seulement parce qu'il se nourrit mal que l'homme moderne développe des maladies, mais parce qu'il est déjà exilé de lui-même, déraciné, qu'il se nourrit mal. Le témoignage du psychiatre se présente au fond comme une lutte résolue contre un tel déracinement. Elle le lance dans une course effrénée au cours de laquelle, voulant diffuser à tout prix ses idées, il accorde des conférences à un rythme qui aurait fragilisé n'importe qui, fût-il de constitution robuste. Sachant que son cancer allait revenir un jour ou l'autre, il a mis sa vie au service de la dénonciation des processus mortifères de notre monde. C'est d'une mort engendrée par ce monde qu'il mourra donc, mais après un combat grâce auquel il se la sera réappropriée.
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