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Durée : 34´
On imagine aisément, en effet, combien face à l’immensité inhospitalière, bardé d’un équipement sans lequel il n’aurait pu survivre, ce pas dut sembler « petit » au premier homme marchant sur la lune… Aveu d’humilité, aussitôt éclipsé par la déclaration conquérante.
Pourtant, la folle aventure de la « conquête spatiale », aussi fascinante soit-elle, est-elle un « bond de géant pour l’humanité » ?
La remarque, souvent oubliée, du compagnon d’Armstrong pourrait en faire douter…Comme ce dernier s’exclamait : « Extraordinaire, hein ? », Edwin Aldrin répondit : « Magnifique désolation ! »
Admiration teintée d’effroi, contre affirmation de puissance ? Peu probable, même si le retour sur terre fut marqué, pour Aldrin, par la dépression. À 85 ans, l’ancien cosmonaute déplorait néanmoins qu’entre les années 60 et 2015, on ait réduit le budget américain des « programmes spatiaux ». Considérant les expéditions sur la lune comme une étape, il espérait que les États-Unis prendraient la direction d’une équipée internationale vers Mars. Nul doute énoncé sur la légitimité de ces entreprises, dont il proclame, de plus, l’intérêt commercial. (Libération, 10/04/15)
Pourtant, sa réplique à Armstrong en dit long sur le paysage lunaire : « magnifique », certes, mais « désolé » ! Or, le mot « désolation », issu de desolare, qui signifie « laisser seul », désigne non seulement un lieu dont toute trace de vie est absente, mais dont les dieux se sont retirés : dans la Bible, au moment de l’Apocalypse, il est question des « anges de la désolation ». Il est intéressant de noter certaines occurrences relevées pour ce mot, par les dictionnaires. En 1910, Alain Fournier, l’auteur du Grand Meaulnes, parlait déjà, à partir de la terre où séjourne tout mortel, de la « désolation lunaire », que devait constater de visu Aldrin.
Si la lune a inspiré les poètes, comme l’astre qui éclaire d’une pâle lumière, l’habitation terrestre, elle est elle-même inhabitable ! Cinquante ans après la première visite humaine, elle le demeure évidemment, tandis que nous avons détruit 50 % des espèces vivantes.
L’ambition de quitter la terre peut-elle s’accompagner du souci de la préserver ? Croire que nous en serons un jour capables, ne contribue-t-il pas à nous y rendre indifférents ? Les projets de « maîtrise » de la nature ou de l’espace ne peuvent-ils se mettre en œuvre qu’au prix d’une trahison de la vie ? Le sacrifice de la petite chienne Laïka, cyniquement envoyée dans une navette spatiale pour un voyage sans retour, afin de tester la résistance d’un organisme aux voyages interplanétaires, peut le laisser craindre.
L’homme est-il d’ailleurs en rapport à l’espace, quand il cherche à traverser l’immense étendue qui sépare les planètes ? Zao Wou-Ki, peintre de l’espace, ami du poète Henri Michaux, n’eut jamais pareille ambition. En revanche, ses toiles, actuellement exposées au Musée d’art moderne, se laissant inspirer par l’espace, invitent à habiter la terre !
Bibliographie :
Petits poèmes en prose ( le spleen de Paris), Flammarion
Les animaux célèbres, Michel Pastoureau, Arléa
Jeux d'encre Trajet Zao Wou-ki, Henri Michaux, l'Échoppe
Élégie de Duino, Rainer Maria Rilke, Nrf
Poème à la nuit, Rainer Maria Rilke, Verdier
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