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Durée : 25´
Le 10 mars 2021, France culture diffusait un court reportage intitulé : Voyager virtuellement pour apaiser ses angoisses. Le documentaire évoquait l’invention d’une entreprise, Virtysens, ayant créé une « machine multi-sensorielle » (Sic), destinée à permettre aux résidents des Établissements d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes, et à ceux de maisons d’accueil pour personnes en situation de handicap, en particulier mental, de « voyager » sans sortir des institutions qui les accueillent !
Le motif de cette invention est incontestablement louable, puisqu’il s’agit en effet d’ « apaiser des angoisses » dues au confinement ordinaire de ces personnes, en des lieux dont elles ne peuvent généralement guère sortir, et qui ont été sérieusement aggravées par le confinement général imposé par la crise de la covid 19. L’engin capable de diffuser non seulement des images, mais aussi des parfums a d’ailleurs été inventé par un homme dont la fille autiste semble sinon sortir, à l’occasion des voyages virtuels auxquels elle est invitée par la machine, de son état de claustration psychique, du moins manifester un intérêt pour ce genre de séance.
Ainsi, dans certains établissements pour personnes dépendantes, les résidents attendent-ils régulièrement leur tour pour s’embarquer, à la faveur d’un « casque de réalité virtuelle », pour des destinations aussi variées qu’un voyage à Venise, le pôle Nord, l’Égypte, ou pour avoir le « plaisir » de « caresser » des chiens ou chats habilement présentées à leurs esprits illusoirement comblés.
Sans être professionnel, il est difficile de se prononcer de façon tranchée sur l’effet éventuellement thérapeutique de cette technique. Toutefois, en écoutant ce reportage, je me suis demandée si on allait désormais répondre aux difficultés que présentent les situations concrètes, les aspérités du réel, en milieu médical par exemple ou ailleurs, par une évasion généralisée ou la production de spectacles dépaysants, et s’il était encore possible d’espérer des êtres humains qu’ils tentent d’approcher ces difficultés, sans chercher à les fuir dans une virtualité séduisante, mais illusoire.
Jusqu’à quel point l’évasion peut-elle être un bienfait ? À défaut d’apprendre à des personnes en difficulté à apprivoiser la réalité qui est la leur, ou à la modifier pour qu’elle devienne acceptable, allons-nous désormais leur proposer une distraction à bon compte, ou essayer d’affronter ce qui pose problème pour le mieux résoudre ?
Au lieu d’humaniser les prisons, « offrirons »-nous bientôt aux prisonniers quelques minutes de virtualité consolante pour les calmer, c’est-à-dire pour neutraliser la violence qui règne en milieu carcéral, à défaut d’apaiser vraiment cette violence et de travailler à corriger ce qui la produit ? Les enfants turbulents, à défaut d’être réellement éduqués, seront-ils bientôt conviés à des voyages imaginaires par des machines sophistiquées ? Et n’en deviendront-ils d’ailleurs pas dépendants, au point de demander à cor et à cri, qu’on les propulse dans la « réalité » à l’image de leurs désirs, quand l’obstination des faits présentera une fâcheuse tendance à leur résister ?
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